Il y a environ une dizaine d’années, on pensait toucher du doigt un record: construire une voiture capable d’atteindre 100 km avec seulement un litre de carburant. Les magazines spécialisés et les salons automobiles évoquaient des prototypes futuristes, capables d’étonner par leur efficacité et leur design. Ceux qui visitaient l’EICMA ou le Salon de Francfort se souviennent des foules autour de ces modèles, symboles d’une industrie prête à révolutionner les habitudes de consommation. Mais qu’est devenu ce rêve ?
Una promesse qui n’a jamais vraiment pris forme
Ces derniers mois, Mercedes a présenté la Vision EQXX, une berline électrique affichant une autonomie dépassant les 1.000 kilomètres. Le chiffre marquant n’est pas uniquement la distance, mais l’efficacité: moins de 10 kWh par 100 km, ce qui équivaut — en termes thermiques — à une consommation proche de 1 L/100 km.
Ce seuil symbolique évoque les prototypes ultra‑efficaces du passé: de la Volkswagen XL1 (0,9 L/100 km, produite en à peine 250 exemplaires) à la Renault Eolab de 2014, en passant par le Citroën C4 Cactus optimisé, qui s’arrêtait cependant à 2 L/100 km.
Quand la politique a demandé plus d’efficacité
En 2012, le gouvernement français a exhorté l’industrie à atteindre 2 L/100 km d’ici 2020. Certains constructeurs ont répondu avec des modèles hybrides rechargeables, comme la DS 7 Crossback E‑Tense annoncée à 1,3 L/100 km. Mais en réalité l’objectif a été atteint surtout sur le papier: le calcul mélangeait autonomie électrique et essence, renvoyant des valeurs peu réalistes.
Même les prototypes les plus célèbres étaient, en pratique, hybrides rechargeables : même la XL1 nécessitait une prise électrique.
L’hybride comme clé de transition
C’est précisément l’hybridation qui a constitué la voie la plus concrète pour réduire les consommations. La Renault Eolab a anticipé le système E‑Tech de la Clio de 2020 (4,3 L/100 km), tandis que la Toyota Yaris hybride demeure la plus efficiente de la catégorie avec 3,8 L/100 km.
Des chiffres intéressants, mais bien loin du fameux « litre magique ». De plus, avec le passage des tests NEDC à ceux WLTP, plus proches de la réalité, les consommations déclarées ont augmenté, rendant difficile la réplique des records promis.
Pourquoi les prototypes ne deviennent jamais des modèles de série
Le public ne veut pas conduire une auto spartiate, basse comme un kart et dépourvue de confort. De nombreux prototypes ultra‑efficaces étaient construits avec des matériaux ultralégers, extrêmement coûteux à produire à grande échelle.
À cela s’ajouta la mode des SUV, des véhicules plus hauts, plus lourds et peu aérodynamiques. Un ingénieur de Citroën, dans une interview, admit: « Proposer une voiture comme la XL1 reviendrait à demander aux familles de renoncer au coffre et au confort. Ce n’était pas réaliste ».
Le nouveau repère: l’autonomie électrique
Avec l’avancée des voitures électriques, l’attention s’est déplacée de l’efficacité pure vers l’autonomie. Aujourd’hui les consommateurs veulent savoir combien de kilomètres ils peuvent parcourir avec une recharge, pas combien de kWh ils consomment tous les 100 km.
Peut-être qu’un jour, lorsque le prix de l’énergie et la diffusion des bornes rendront l’efficacité plus déterminante, nous reviendrons à parler sérieusement de consommation. Pour l’instant, la voiture capable de 1 L/100 km demeure surtout un symbole: le souvenir d’un rêve qui a inspiré ingénieurs et automobilistes, mais qui n’a jamais vraiment trouvé sa place sur nos routes.